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Contrôle technique européen en France : pas subsidiarité, pas de CT, selon le Sénat

lundi 8 octobre 2012 , par Benji

C’est en session ordinaire que le groupe de travail sur la subsidiarité a rendu un avis défavorable sur le projet de contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques que la Commission Européenne envisage d’étendre à tous les états membres.

Ce projet est censé contribuer à atteindre l’objectif d’une réduction de moitié du nombre de victimes de la route d’ici à 2020, fixé par la communication de la Commission du 20 juillet 2010 : « Vers un espace européen de la sécurité routière : les orientations politiques pour la sécurité routière de 2011 à 2020 ». Il vise également à réduire les émissions associées au mauvais entretien des véhicules.

Le principe de la subsidiarité a été introduit dans la législation communautaire par l’article 3 B du Traité de Maastricht, et a pour objectif d’aboutir à ce que les décisions prises dans l’Union européenne le soient au niveau le plus pertinent et le plus proche possible des citoyens. Nous publions de nombreux extraits de l’avis du 04 octobre 2012.

Pour rendre cet avis défavorable, le groupe de travail et Jean-François Humbert qui le présidait se sont appuyés sur l’étude MAIDS, une étude approfondie sur les accidents des motocycles, publiée sous l’égide de l’Association des constructeurs européens de motocycles (ACEM) avec le soutien de la Commission européenne.

Contrôle technique et accidents

« Ce document insiste sur le fait que sur 921 accidents étudiés dans cinq régions tests de France, d’Allemagne, d’Italie, des Pays-Bas et d’Espagne, moins de 0,5 % d’entre eux sont directement liés à une défaillance technique. Deux des cinq pays étudiés - la France et les Pays-Bas - font partie des onze États membres de l’Union européenne qui n’ont pas mis en place de contrôle technique sur les deux et trois roues. « 

Au vu de ces chiffres, l’introduction d’un contrôle technique obligatoire ne semble pas évidente pour le groupe de travail.

« Il convient de souligner que l’ACEM ne peut être suspectée de vouloir minorer l’impact des défaillances techniques, puisqu’elle s’est elle-même déclarée favorable à l’introduction des contrôles techniques, naturellement souhaitée par les concessionnaires. Le rapport MAIDS note que la principale cause de défaillance technique tient à l’usure des pneus. Un contrôle technique coûteux ne m’apparaît pas la solution la plus adaptée pour remédier à ce type de problème, le propriétaire d’un deux-roues pouvant aisément s’en apercevoir.

De façon générale, aucun lien ne peut être établi entre une réduction du nombre d’accidents et l’introduction du contrôle technique sur les motocycles. L’Espagne, l’Italie, la Suède ou la Slovénie, qui ont introduit ces contrôles techniques, ont même connu une augmentation du nombre de motards tués ces dernières années. Le cas de l’Italie est d’autant plus troublant que le nombre de motocycles en circulation a baissé ces dernières années.

Une étude menée par deux chercheurs norvégiens en 2007 renverse la problématique quant à l’effet des contrôles techniques des véhicules sur les accidents. Selon Peter CHRISTENSEN et Rune ELVIK, les défaillances techniques ont une part statistiquement faible dans les accidents. Par ailleurs, si les contrôles techniques contribuent à une amélioration des véhicules, les deux chercheurs observent néanmoins que le taux d’accident des véhicules contrôlés n’a pas tendance à décliner mais bien à croître.

L’étude remet donc en cause le lien avancé par la Commission entre défaillance technique et accidents. Les accidents attribués à un défaut technique reflètent bien plus une tendance des usagers à risquer leurs vies, MM. CHRISTENSEN et ELVIK estimant que « ceux qui ne font pas attention à la sécurité ne font pas plus attention à l’entretien de leur véhicule ». La mise en place du contrôle technique ne saurait en fait améliorer le comportement de ces personnes. Cette étude a d’ailleurs conduit l’Observatoire national de la sécurité routière française (Onsir) à estimer qu’il n’était pas opportun d’étendre le contrôle technique aux motos.

À ces réserves, s’ajoute le fait que la Commission se fonde sur trois rapports de Dekra, un des leaders européens du contrôle technique, pour justifier son intervention. Le rapport 2010 de cette société consacré à la sécurité des motocyclistes insistait sur la nécessaire extension du contrôle technique aux deux et trois roues. Il convient de rappeler que le marché du contrôle des deux roues est estimé à environ 1,5 milliard d’euros. »

Contrôle technique et pollution

Selon la Commission, une part important de la pollution est générée par une minorité de véhicules, mal entretenus ou fonctionnant mal. Elle avance ainsi que 25 % de la quantité totale des polluants serait émise par 5 % du parc automobile. Cela justifie alors aux yeux de la Commission une plus grande fréquence des contrôles techniques qui permettrait d’éliminer les véhicules les plus polluants.

« L’harmonisation souhaitée par la Commission pourrait être plus légitime si le parc automobile était uniforme sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne. Or, en l’occurrence, ce parc reflète souvent la situation économique et sociale que peut rencontrer un pays. Ainsi, les véhicules anciens correspondent souvent à des revenus modestes. Dans un contexte économique difficile, l’intensification des contrôles ne risque-t-elle pas de fragiliser un peu plus ceux qui ne disposent pas de moyens leur permettant de changer au moins tous les six ans leur véhicule ?

Si un tel projet devrait bénéficier aux centres de contrôle technique, Dekra en tête, avec une hausse d’activité attendue de 60 %, l’immobilisation du véhicule et le coût du contrôle pour l’automobiliste et le motocycliste - entre 60 et 80 € en France - ne sont pas négligeables. Cette question du coût n’est pas à dédaigner, puisque la Commission prévoit un contrôle plus poussé, puisque visant désormais les systèmes électroniques, et qu’elle souhaite dans le même temps améliorer le système de formation des contrôleurs. Une telle évolution ne sera pas sans conséquence sur la tarification des contrôles. »

Conclusions du Sénat

« La proposition de règlement (COM (2012) 380) poursuit un double objectif :

- contribuer à réduire de moitié le nombre de victimes de la route d’ici à 2020 ;

- réduire les émissions de carbone associées au mauvais entretien des véhicules.

Vu l’article 88-6 de la Constitution,

Le Sénat fait les observations suivantes :

- la proposition tend à promouvoir une harmonisation très poussée des règles en matière de contrôle technique sans que des justifications convaincantes soient apportées. Cette démarche ne paraît pas fondée tant l’impact des défaillances techniques des automobiles comme des motocycles sur les accidents de la route apparait résiduel ;

- l’influence des contrôles techniques sur la diminution des accidents de motocycles n’est pas non plus démontrée par les études scientifiques menées sur le sujet dans les pays appliquant déjà cette mesure ; les données utilisées par la Commission européenne paraissent provenir de sources ayant un intérêt dans l’adoption du texte ;

- le trafic transfrontalier des motocycles, étant globalement de faible ampleur, ne justifie pas non plus d’imposer un contrôle technique obligatoire à ce type de véhicule à l’échelle européenne ;

- l’augmentation de la fréquence des contrôles techniques pour les automobiles apparaît contradictoire avec leur évolution technologique qui les rend plus fiables plus longtemps ;

- les véhicules les plus anciens appartenant généralement à des conducteurs aux revenus modestes, l’intensification des contrôles qui est proposée constituerait une lourde charge pour leurs propriétaires, dont il devrait revenir à chaque État membre d’apprécier l’opportunité ;

Le Sénat estime donc que la proposition de règlement ne respecte pas, en l’état, le principe de subsidiarité. »

Le texte intégral.

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