Contrôle technique deux roues : deux mois pour la mise en place pour le Conseil d’Etat
samedi 3 juin 2023 , par
La haute juridiction administrative, saisie par trois associations, Respire, Ras-le-Scoot et Paris sans voiture a rendu sa décision concernant le contrôle technique deux roues
Le Conseil d’État juge aujourd’hui que la décision prise par le Gouvernement le 25 juillet dernier, de revenir sur l’application du contrôle technique aux « deux-roues » qu’il avait initialement décidée en août 2021, est illégale. En effet, les mesures proposées depuis par le Gouvernement pour déroger à l’obligation européenne du contrôle technique ne sont pas conformes aux exigences de la directive 2014/45/UE du 3 avril 2014, parce qu’elles sont seulement à l’état de projets ou parce qu’elles ne permettent pas d’améliorer de façon suffisamment efficace et significative la sécurité des motards sur la route. Par la décision rendue ce jour, le décret initial du Gouvernement d’août 2021, qui a instauré le contrôle technique des « deux-roues », rentre de nouveau en vigueur.
Le droit européen impose, depuis l’adoption de la directive 2014/45/UE du 3 avril 2014, l’obligation pour les États membres de mettre en place, notamment, un contrôle technique périodique des véhicules à moteur de deux, trois ou quatre roues de cylindrée supérieure à 125 cm3 à partir du 1er janvier 20221. Les États membres de l’Union européenne peuvent déroger à cette obligation s’ils ont mis en place des mesures alternatives de sécurité routière efficaces, en tenant compte des statistiques pertinentes sur la sécurité routière.
Le 9 août 2021, le Gouvernement a prévu la mise en place d’un contrôle technique des véhicules motorisés à deux-roues, mais en fixant sa date d’entrée en vigueur à une date postérieure à la date limite du 1er janvier 2022 fixée par le droit européen : le 1er janvier 2023, pour les véhicules immatriculés avant 2016, et des dates échelonnées entre 2024 et 2026, pour les véhicules immatriculés à partir de 20162.
Après une suspension en urgence par le juge des référés3, le Conseil d’État a annulé le 27 juillet 2022 le calendrier ainsi défini par le Gouvernement4, dès lors qu’il repoussait la date d’entrée en vigueur fixée par la directive du 3 avril 2014. Dans ce jugement « au fond », le Conseil d’État a relevé que le Gouvernement avait choisi l’obligation de contrôle technique et non la mise en œuvre de mesures alternatives, ce qui l’obligeait à faire débuter ce contrôle technique dès le 1er janvier 2022, pour respecter le droit européen. Décidant finalement d’opter pour la voie consistant à mettre en place des mesures alternatives pour améliorer la sécurité routière, la Première ministre a abrogé le décret d’août 2021 par un nouveau décret du 25 juillet 20225.
Trois associations (Respire, Ras-le-Scoot et Paris sans voiture) ont demandé au Conseil d’État l’annulation de cette décision d’abrogation et le rétablissement de la mise en place du contrôle technique des deux-roues de cylindrée supérieure à 125 cm3.
La décision du Conseil d’État rendue aujourd’hui retient deux motifs d’illégalité pour annuler le décret du 25 juillet 2022.
La suppression du contrôle technique aurait dû être soumise à consultation du public, compte tenu de son incidence directe et significative sur l’environnement
Le Conseil d’État juge que la suppression de cette obligation de contrôle technique périodique des deux-roues motorisés aurait dû être précédée d’une participation du public, conformément aux dispositions de la loi prises en application de la Charte de l’environnement intégrée à la Constitution, car elle a une incidence directe et significative sur l’environnement. La circulation des deux-roues motorisés a des effets nocifs sur l’environnement, en termes de pollution atmosphérique et sonore, particulièrement dans les zones urbaines. Et l’obligation de contrôle technique prévue par la directive vise non seulement à améliorer la sécurité routière, mais aussi l’état de l’environnement en réduisant la pollution atmosphérique et sonore liée au mauvais état de certains deux-roues motorisés.
Le Conseil d’État censure en outre une illégalité de fond, les mesures alternatives n’étant pas suffisamment efficaces, au regard des exigences de la directive, pour améliorer la sécurité routière des motards
Le Conseil d’État relève que les mesures alternatives proposées par le Gouvernement, et qui ont justifié l’abrogation du contrôle technique obligatoire, ne peuvent être regardées comme des mesures de sécurité routière efficaces au sens du droit européen. En effet, certaines des mesures mises en avant poursuivent des objectifs légitimes, mais qui ne sont pas ceux prévus par les dispositions de la directive régissant la faculté de déroger au contrôle technique, par exemple la réduction des nuisances sonores ou des émissions de polluants. D’autres mesures ne peuvent être utilement prises en compte, car elles sont encore à l’état de projets ou constituent de simples réflexions. Enfin, les mesures concernant spécifiquement la sécurité routière sont en nombre restreint et ne peuvent être regardées comme suffisamment efficaces au regard des exigences de la directive, qui poursuit un objectif de réduction de la mortalité liée à l’utilisation des deux-roues motorisés. Or les statistiques de sécurité routière disponibles font état d’une mortalité routière particulièrement élevée en France pour les conducteurs de deux-roues motorisés, en valeur absolue comme par rapport aux autres États européens.
Pour ces raisons, le Conseil d’État annule aujourd’hui pour excès de pouvoir le décret du 25 juillet 2022 qui abrogeait le décret du 9 août 2021 mettant en place le contrôle technique. Cette annulation a pour effet de remettre en vigueur le décret qui prévoit le contrôle technique des véhicules à deux-roues motorisés.
La mise en œuvre effective du décret du 9 août 2021 pourra légalement être accompagnée de mesures d’application portant notamment sur un échelonnement dans le temps de la mise en œuvre du dispositif de contrôle technique, une différenciation selon l’ancienneté du véhicule, et précisant les conditions de mise en œuvre de ce contrôle, notamment s’agissant des normes techniques et de l’agrément des centres de contrôle technique.
Renvois
1 Directive européenne 2014/45/UE du 3 avril 2014
2 Décret n° 2021-1062 du 9 août 2021
3 Décision n° 462679 du 17 mai 2022
4 Décisions nos 457398 et 456131 du 27 juillet 2022
5 Décret n° 2022-1044 du 25 juillet 2022
La décision du Conseil d’Etat
Conseil d’État
N° 466125
ECLI:FR:CECHR:2022:466125.20221031
Inédit au recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Pauline Hot, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats
Lecture du lundi 31 octobre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 et 28 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Respire, l’association Ras-le-Scoot et l’association Paris sans voiture demandent au Conseil d’Etat :
- d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-1044 du 25 juillet 2022 abrogeant le décret n° 2021-1062 du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur ;
- d’enjoindre à l’Etat de prendre toutes mesures nécessaires afin de garantir la mise en place du contrôle technique des véhicules de catégorie L, sous astreinte définitive d’un million d’euros par jour de retard à compter de la lecture de la décision à intervenir ;
- de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à chacune des requérantes au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention d’Aarhus ;
- la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques ;
- le code de l’environnement ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la fédération française des motards en colère ;
Considérant ce qui suit :
1. Le décret du 25 juillet 2022, dont les associations requérantes demandent l’annulation pour excès de pouvoir, abroge le décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, qui soumettait l’ensemble de ces véhicules en circulation à une obligation de contrôle technique périodique à compter du 1er janvier 2023 suivant un calendrier d’échelonnement des contrôles par ancienneté des véhicules, définissait les conditions de mise en oeuvre de cette mesure, les conditions d’exercice de l’activité de contrôle par des centres spécifiquement agréés à cet effet, et les obligations incombant à ces derniers. Les articles 6 et 9 du décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur ont été annulés par la décision n° 457398 du Conseil d’Etat, statuant au contentieux en tant qu’ils reportent au-delà du 1er janvier 2022 l’entrée en vigueur de l’obligation de contrôle technique des véhicules de catégorie L3e, L4e, L5e et L7e de cylindrée supérieure à 125 cm3, et l’article 8 du même décret a été annulé par la même décision. Par une autre décision n° 456131 du même jour, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux a par ailleurs annulé la décision du ministre chargé des transports du 12 août 2021 de " suspendre " le décret du 9 août 2021.
2. Aux termes de son article 1er, la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques " établit les exigences minimales pour un dispositif de contrôle technique périodique des véhicules utilisés sur la voie publique ", son article 4 précisant que " Chaque État membre veille à ce que les véhicules immatriculés sur son territoire soient périodiquement contrôlés conformément à la présente directive par les centres de contrôle autorisés par l’État membre où ces véhicules sont immatriculés ". Aux termes de l’article 2 de la directive : " 1. La présente directive s’applique aux véhicules dont la vitesse par construction est supérieure à 25 km/h et appartenant aux catégories suivantes, telles que visées par les directives 2002/24/CE, 2003/37/CE et 2007/46/CE : (...) à compter du 1er janvier 2022, véhicules à deux ou trois roues - véhicules des catégories et sous-catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3 ; (...) 2. Les États membres peuvent exclure de l’application de la présente directive les véhicules suivants, immatriculés sur leur territoire : (...) véhicules de catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3, lorsque l’État membre a mis en place des mesures alternatives de sécurité routière pour les véhicules à deux ou trois roues, en tenant notamment compte des statistiques pertinentes en matière de sécurité routière pour les cinq dernières années. Les États membres communiquent ces exemptions à la Commission ". Il résulte de ces dispositions que la directive 2014/45 du Parlement européen et du Conseil fait obligation aux Etats-membres de soumettre les véhicules à deux roues relevant des catégories et sous-catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3 à un dispositif de contrôle technique périodique, lequel doit alors être applicable à compter du 1er janvier 2022, sauf à ce qu’un Etat membre opte pour une exclusion de ces catégories de véhicules du champ du contrôle technique obligatoire, lorsqu’il a mis en place des mesures alternatives de sécurité routière, qui doivent alors tenir notamment compte des statistiques pertinentes de sécurité routière. Si l’Etat membre opte pour une telle exclusion, il doit alors communiquer les exemptions retenues à la Commission européenne. Enfin, il résulte des dispositions précitées de la directive, éclairées notamment par ses considérants 1, 2, 3, 7 et 8, que cette directive a pour objectif tant le renforcement de la sécurité routière dans l’Union européenne et la diminution du nombre de décès liés aux transports routiers que la réduction de leur impact sur l’environnement, et qu’à cet égard le contrôle technique vise notamment à garantir que les véhicules sont maintenus dans un état acceptable au regard de la sécurité et de la protection de l’environnement pendant leur exploitation. Il résulte en particulier des considérants 7 et 8 que la mise en place par les Etats-membres d’un contrôle technique périodique a pour objectif de contrôler et de limiter la circulation des véhicules dont les systèmes de régulation des émissions fonctionnent mal, qui ont un impact sur l’environnement plus important que les véhicules correctement entretenus et, ce faisant, de contribuer à améliorer l’état de l’environnement, en réduisant les émissions moyennes des véhicules. La directive vise également à prévenir la manipulation frauduleuse ou la falsification de pièces et de composants de ces véhicules, susceptibles d’avoir une incidence négative sur leur impact sur l’environnement. Son annexe 1 comporte ainsi des exigences minimales concernant le contenu et les méthodes de contrôle recommandées à utiliser pour le contrôle technique périodique et les critères sur lesquels se fonder pour déterminer si l’état du véhicule est acceptable, en particulier en ce qui concerne les émissions à l’échappement et les nuisances sonores.
Sur la légalité externe :
3. Aux termes de l’article 7 de la Charte de l’environnement : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ". Le respect du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement s’apprécie au regard des dispositions législatives prises afin de préciser, pour ce type de décisions, les conditions et les limites de l’applicabilité de ce principe. Ainsi, aux termes du I de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement : " I. - Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux décisions qui modifient, prorogent, retirent ou abrogent les décisions mentionnées à l’alinéa précédent soumises à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / Ne sont pas regardées comme ayant une incidence sur l’environnement les décisions qui ont sur ce dernier un effet indirect ou non significatif (...) ".
4. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 vise, en rendant obligatoire la mise en place, notamment, du contrôle technique pour les véhicules à deux ou trois roues relevant des catégories et sous-catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3 à compter du 1er janvier 2022, à améliorer l’état de l’environnement en réduisant les émissions moyennes de ces véhicules. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que, comme le soutiennent les requérantes, sans que ce point ne soit contesté en défense, la circulation de ces véhicules a des effets nocifs sur l’environnement, en termes de pollution atmosphérique et sonore, particulièrement dans les zones urbaines. Par conséquent, le décret attaqué, eu égard à sa finalité et à sa portée, qui consiste en la suppression de l’obligation de contrôle technique périodique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur relevant des catégories et sous-catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3 à compter du 1er janvier 2023, doit être regardé comme ayant une incidence directe et significative sur l’environnement, au sens des dispositions de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement précédemment citées. Son adoption devait, dès lors, être précédée, à peine d’illégalité, d’une consultation préalable du public conformément à ces dispositions. Par suite, les associations requérantes sont fondées à soutenir que le décret attaqué a été pris au terme d’une procédure irrégulière, dès lors que ses dispositions n’ont pas fait l’objet d’une consultation du public préalablement à leur adoption. Cette irrégularité est de nature à avoir exercé une influence sur le sens du décret attaqué, et a privé le public de la garantie de voir son avis pris en considération à l’égard d’un acte ayant une incidence directe et significative sur l’environnement.
Sur la légalité interne :
5. Pour justifier l’abrogation, par le décret attaqué, des dispositions prévoyant notamment la mise en oeuvre du contrôle technique périodique pour les véhicules à deux roues relevant des catégories énoncées par la directive, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se prévaut de la possibilité, ouverte par le paragraphe 2 de l’article 2 de la directive citée au point 2, d’exclure ces catégories de véhicules du champ du contrôle technique obligatoire et de la communication, adressée par le Gouvernement français à la Commission européenne le 3 décembre 2021, de mesures alternatives de sécurité routière.
6. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les statistiques pertinentes de sécurité routière disponibles font état d’une mortalité routière particulièrement élevée des conducteurs français de deux-roues relevant des catégories et sous-catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3, en valeur absolue ainsi que par comparaison avec les données observées pour d’autres catégories de véhicules, et dans les autres Etats membres de l’Union européenne. Or la majorité des mesures notifiées à la Commission européenne ne sauraient être regardées comme des mesures alternatives de sécurité routière, soit parce qu’elles ont pour objet exclusif de réduire les nuisances sonores ou les émissions de polluants et ne constituent pas, par suite, des mesures de sécurité routière au sens de la directive, soit parce qu’elles se bornent à faire état de projets futurs ou de simples réflexions, alors que la directive fait référence à la mise en place de mesures efficaces, soit enfin parce qu’elles se contentent de transposer des mesures définies au niveau européen, telles que l’obligation du système anti-blocage des roues pour les deux-roues motorisés de plus de 125 cm3. La réduction de la vitesse de circulation de tous les véhicules à 80km/h, si elle peut notamment participer à la limitation de la mortalité routière des conducteurs de deux-roues relevant des catégories et sous-catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3, a quant à elle vu sa portée limitée par la possibilité ouverte aux départements d’y déroger. Ainsi, seules la réforme du permis A intervenue en 2016 et celle des permis A1 et A2 intervenue en 2020, la mise en oeuvre de l’obligation du port de gants pour les conducteurs et les passagers de motocyclette, de tricycle à moteur, de quadricycle à moteur ou de cyclomoteur, l’uniformisation des dimensions des plaques d’immatriculation des véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, l’apposition sur les véhicules lourds d’autocollants " angles morts " et la mise en oeuvre de campagnes de communication et de prévention visant à améliorer la sécurité de tous les conducteurs de deux-roues motorisés, destinées à ces conducteurs mais aussi à l’ensemble des usagers de la route, sont susceptibles de relever de la catégorie de mesures alternatives de sécurité routière visée par le paragraphe 2 de l’article 2 de la directive citée au point 2. Toutefois, alors qu’il résulte des dispositions de cet article que les mesures alternatives de sécurité routière permettant d’ouvrir la voie de l’exclusion de ces véhicules du dispositif de contrôle technique doivent être efficaces afin d’atteindre l’objectif "zéro décès" dans les transports routiers d’ici à 2050, rappelé au premier considérant de la directive 2014/45 précitée, de telles mesures n’apparaissent pas comme procédant d’une stratégie cohérente de sécurité routière et ne peuvent qu’être regardées comme trop ponctuelles et manifestement insuffisantes pour assurer efficacement la sécurité des usagers des deux-roues motorisés relevant des catégories et sous-catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3, au regard des statistiques pertinentes de sécurité routière qui démontrent que celle-ci demeure très dégradée. Elles ne peuvent donc être regardées comme des mesures alternatives de sécurité routière prises au sens et pour l’application de la directive 2014/45 du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014.
7. Il résulte de ce qui précède qu’en abrogeant les dispositions du décret du 9 août 2021 rendant obligatoire la mise en oeuvre du contrôle technique périodique pour les véhicules à deux roues motorisés relevant des catégories et sous-catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3, le décret du 25 juillet 2022 a méconnu la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 7 que l’association Respire et autres sont fondés à demander l’annulation du décret attaqué.
Sur la modulation dans le temps des effets de la décision d’annulation :
9. L’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu. Toutefois, s’il apparaît que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur, que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l’ensemble des moyens, d’ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l’acte en cause - de prendre en considération, d’une part, les conséquences de la rétroactivité de l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d’autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l’annulation. Il lui revient d’apprécier, en rapprochant ces éléments, s’ils peuvent justifier qu’il soit dérogé au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l’affirmative, de prévoir dans sa décision d’annulation, ou, lorsqu’il a décidé de surseoir à statuer sur cette question, dans sa décision relative aux effets de cette annulation, que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l’annulation contre les actes pris sur le fondement de l’acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure qu’il détermine. S’agissant d’une annulation résultant d’une méconnaissance du droit de l’Union européenne, cette faculté ne peut être utilisée qu’à titre exceptionnel et en présence d’une nécessité impérieuse.
10. En l’espèce, le moyen accueilli au point 7 de la présente décision est tiré de la violation du droit de l’Union. Si le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires fait valoir que la mise en place du dispositif du contrôle technique implique nécessairement de différer dans le temps les effets d’une éventuelle annulation, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’effet rétroactif de l’annulation des dispositions litigieuses, qui a pour effet de faire à nouveau entrer en vigueur le décret du 9 août 2021, à l’exception de ses articles 6, 8 et 9, annulés par la décision n° 457398 du Conseil d’Etat, statuant au contentieux dans les conditions rappelées au point 1 de la présente décision, se heurterait à une considération impérieuse de nature à justifier de déroger au principe de l’effet rétroactif d’une annulation contentieuse qui résulte de la méconnaissance du droit de l’Union européenne, d’autant que la mise en oeuvre effective du décret du 9 août 2021 doit être accompagnée de mesures d’application, notamment quant à l’échelonnement dans le temps de la mise en oeuvre du dispositif de contrôle technique, laquelle peut être différenciée selon l’ancienneté du véhicule, et permettant de préciser les normes techniques de référence et les conditions de mise en oeuvre de ce contrôle, notamment s’agissant de l’agrément des centres de contrôle technique. Les conclusions tendant à ce que les effets de l’annulation soient modulés dans le temps doivent par suite être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d’injonction :
11. L’annulation prononcée, dont l’effet est, ainsi qu’il a été dit au point 10, de faire à nouveau entrer en vigueur le décret du 9 août 2021, à l’exception de ses articles 6, 8 et 9, n’impliquant pas l’édiction de mesures d’exécution au sens des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions aux fins d’injonction des requérantes.
Sur les frais irrépétibles :
12. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme globale de 3 000 euros à verser aux associations requérantes en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
- Article 1er : Le décret du 25 juillet 2022 est annulé.
- Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
- Article 3 : L’Etat versera aux associations requérantes une somme globale de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
- Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’association Respire, à l’association Ras-le-Scoot, à l’association Paris sans voiture, à la Première ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l’issue de la séance du 12 octobre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d’Etat et Mme Pauline Hot, auditrice-rapporteure.
Rendu le 31 octobre 2022.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Pauline Hot
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Peyrisse
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